Hier (7 juin), Patrick Artus, célèbre économiste français, a souligné très franchement dans une émission radiophonique co-organisée par Radio Classique et Le Figaro qu'une crise financière aux États-Unis et en Occident était « inévitable ».
Il a même affirmé :Le capitalisme est en train de mourir parce qu’il est attaqué de toutes parts, ne correspond plus à aucun idéal sociopolitique et est maintenu artificiellement en vie par des politiques monétaires insensées.
« Nous nous dirigeons vers une crise très grave du capitalisme », a-t-il déclaré, selon le site officiel de la station, « les critiques de gauche pointent du doigt les inégalités, la concentration des richesses dans de moins en moins de mains (…) Les critiques libérales remettent en cause ce système de rentes et de monopoles, que l’on ne distribue pas les gains de productivité aux salariés (…) La troisième critique concerne le fait que le capitalisme ne peut survivre depuis maintenant 10 ans qu’avec l’aide de l’État et le soutien monétaire (…) C’est ce qui perfectionne le système, car il maintient à distance les déficits publics financés par la création monétaire par la banque centrale (…) Nous nous noyons dans l’argent et cela crée d’énormes déséquilibres financiers ».
Patrick Artus a également déclaré à la radio qu'il avait constaté que le système capitaliste avait complètement déraillé et avait atteint un point où des réformes fondamentales étaient nécessaires pour éviter une crise grave. Mais il a dit que ce qui l'a surpris, c'est le manque de critique libérale du système capitaliste des années 80 aujourd'hui, "même s'il y a d'énormes différences entre les deux pays (les États-Unis et la Chine) en termes de liberté politique ou personnelle, l'interventionnisme de l'État américain est très grave (...) C'est pourquoi ce n'est plus du capitalisme libéral (...) mais le trumpisme, avec ses monopoles, ses tarifs douaniers, son protectionnisme et sa préférence pour les produits nationaux, n'est pas du tout du libéralisme (...) Une partie intégrante du système est qu'il protège les rentiers".
Artus a déclaré qu'à mesure que les pays du monde entier se débarrassent du nouveau coronavirus et rouvrent plus ou moins vite, l'économie se redresse et la correction de la répartition des revenus entraînera une croissance plus rapide des salaires et une inflation plus élevée ; cela, à son tour, nécessitera une politique monétaire plus stricte et des taux d'intérêt ajustés à l'inflation plus élevés. Une politique monétaire plus restrictive stabiliserait alors les prix des actifs et la richesse, forçant au désendettement, ce qui conduirait à une récession en raison de la baisse nécessaire de la demande des ménages, des entreprises et des gouvernements.
« La stabilisation de ces variables conduirait à une crise financière très grave en raison d’une croissance plus rapide des salaires et de l’inflation, d’une politique monétaire restrictive, d’une baisse des richesses et des prix des actifs et d’une récession provoquée par une baisse de la demande intérieure », a-t-il conclu. « Si le ratio dette/revenu continue d’augmenter, la solvabilité des emprunteurs ne peut être garantie. »
Patrick Artus est conseiller principal de Natixis, professeur à l'École d'économie de Paris et membre depuis de nombreuses années du Comité d'analyse économique du cabinet du Premier ministre français.
Il y a peu de temps, la maison d'édition française Odile Jacob a publié un nouveau livre qu'il a coécrit avec un autre expert en économie, « La dernière chance du capitalisme ».